Le contexte malheureux dans lequel nous évoluons depuis plusieurs semaines devrait nous inciter à nous pencher sur LA grande question sous-jacente à toutes les crises: comment en est-on arrivé là ? La crise du Covid-19 n’est pas le fruit d’un animal innocent, chauve-souris ou pangolin. Son origine et sa propagation rapide proviennent du fonctionnement de notre société : urbanisation, mondialisation, creusement des inégalités,… Tout comme notre système de vie a permis à de multiples crises de prendre racine ces dernières années, il permettra à d’autres de se créer, à moins qu’on ne le modifie…
Vivre au sein d’un écosystème où tout est lié
L’écologie, science qui étudie l’environnement et les interactions des êtres vivants avec celui-ci, nous apprend que tout se tient, tout est lié, tout est interdépendant. L’écologie urbaine quant à elle voit la ville comme un écosystème à part entière, qu’il est bon d’étudier pour comprendre les interactions entre elle et ses habitants, entre la société et les êtres humains.
Avec la crise du coronavirus actuelle, nous avons tou·tes en tête les images de ces immenses villes chinoises, où des millions et millions d’habitants vivent et évoluent confinés, dans de gigantesques cités dortoirs. Notre planète vit une urbanisation sans précédent depuis plusieurs décennies. Les villes grandissent à mesure que la population mondiale augmente, avec le facteur déterminant de la pauvreté qui pousse, dans de nombreux pays, des habitants précarisés à quitter leurs campagnes pour la ville. Le risque de vivre dans un environnement dense, exigu et extrêmement pollué devient alors inévitable… En parallèle, le phénomène de désertification pousse certaines populations du globe à venir vivre en zone urbaine. Du pain béni pour les épidémies…
Logement, santé, économie, ils ne vont pas l’un sans l’autre
Selon des chiffres basés sur une étude publiée dans un article du journal « Le Soir », les européens, passeraient environ 90 % de leur temps à l’intérieur, Ils sont appelés la génération « indoor ». La Belgique, dans des proportions plus petites et avec ses particularités, n’échappe pas à la « lutte pour l’espace ». Nous vivons dans un pays ultra-construit et densifié, où les grandes villes et ses terrains à bâtir font l’objet d’une convoitise sans précédents de la part des promoteurs immobiliers car selon les tenants du néolibéralisme, tout est matière à spéculation. En même temps, une population urbaine et précarisée peine à se loger dans des conditions décentes. En Région bruxelloise, nous vivons depuis plusieurs années un schisme entre la politique du logement menée par les différentes législatures, qui est celle de la construction de logements « moyens » destinés aux plus aisés, au détriment des besoins des bruxellois les plus pauvres, à la recherche de logements abordables. Malheureusement, ces personnes sont souvent contraintes à se rabattre sur des logements inadaptés, inadéquats, voir insalubres.
Posons-nous donc la question : comment puis-je protéger efficacement ma famille du coronavirus si je vis dans un appartement de 30 ou 40 mètres carrés, avec 3 ou 4 enfants à charge ? Si mon plafond est infiltré d’eau et que mon enfant souffre d’asthme ? D’après un article du journal « le Soir » plus de 26 millions d’Européens de moins de 15 ans vivent dans une habitation qui est susceptible d’avoir un impact négatif sur leur santé et 4 enfants belges sur 10 grandissent dans une habitation insalubre. En cause, l’humidité mais aussi le manque de lumière et le bruit. En effet L’absence de lumière naturelle et de renouvellement d’air est une cause de maladies. D’un point de vue économique, comment continuer de payer un loyer si je perds mon emploi ? Cela devient vite mission impossible… De même, la situation dramatique des personnes âgées infectées par le covid-19 dans les maisons de repos vient nous rappeler que la politique du logement concerne aussi ces catégories de personnes.
La crise du coronavirus a mis en exergue toute la faiblesse et la fragilité de notre société. Nous ne mesurons probablement pas encore l’impact que tout ceci aura sur notre avenir. En effet, Elle met en évidence le caractère non souhaitable de l’anthropocène (activité humaine ayant une conséquence sur notre écosystème terrestre), c’est-à-dire un moment où notre vie civilisationnelle, qui est déjà en crise, deviendra tout simplement impossible. On parle dès lors d’entropie, c’est à dire une augmentation irrémédiable du désordre.
Wei-ji : à chaque danger, une opportunité pour le futur
Néanmoins, nous devons rester optimistes et se projeter dans la reconstruction d’un monde plus juste socialement et plus épanouissant pour l’Humain. Le mot « résilience » face à la crise est par exemple un terme qui, actuellement, revient très souvent. L’expression chinoise «Wei-ji» se traduit en français par le mot « crise ». Le premier caractère signifie « danger» et le second «opportunité», suggérant qu’iI y a toujours une opportunité dans chaque crise.
Cette opportunité se matérialise déjà dans les diverses aides organisées ou spontanées avec des appels à la solidarité pour faire face à l’épidémie. En effet, comme l’explique Christine Mahy du Réseau Wallon de Lutte contre la pauvreté, la crise a ses vertus car, en révélant l’ensemble de nos inégalités structurelles existantes, celle-ci a mis en lumière une énergie citoyenne au nom de la santé sanitaire. Le confinement qui est l’affaire de tou·tes a eu pour conséquence que certaines personnes ont commencé à s’intéresser à ceux et celles qu’ils ne souhaitaient pas voir, les travailleur·euses pauvres, les « invisibles », les oublié·es de la sécurité sociale, les sans-abris, les mals logé·es, les migrant·es, les victimes de la fracture numérique, etc. L’enjeu, dit-elle, est de savoir « comment passer de l’émotion collective à l’émotion politique afin de nous pousser à réfléchir sur les causes de cette crise et à poser les bons constats ». Pour conclure, une fois le temps passé de « l’urgence », nous devons repenser l’avenir tout en prenant conscience qu’il faudra établir un rapport de force nécessaire au changement social que nous souhaitons, autrement « l’après » risque d’être pire que « l’avant ».
Coup d’œil sur les initiatives politiques et citoyennes
Au niveau de la politique logement de la région bruxelloise,, la secrétaire d’Etat au Logement Nawal Benhamou a annoncé, lors de la Commission Logement du 16 avril trois mesures :
1.une modification du code bruxellois du logement pour suspendre les préavis dans les baux d’habitation et réduire le préavis dans les baux étudiants ;
2. Accorder une « prime corona » (une prime unique de 214,68 eur) aux locataires sur le marché privé locatif (non AIS) moyennant certaines conditions ;
3. l’incorporation des termes loyer raisonnable et abusif dans le Code bruxellois du Logement avec la mise en place d’une commission paritaire locative qui aurait la compétence pour donner un avis sur la justesse d’un loyer. Concernant cette dernière mesure, elle a finalement été envoyée au Parlement pour pouvoir en débattre et c’est encore en cours de discussion.
Concernant les initiatives pour le droit au logement, plusieurs collectifs ou associations se sont mobilisées déjà avant ou dès le début du confinement pour soutenir les plus fragilisés d’entre nous et pour imaginer des actions concrètes en matière de droit au logement.
Voici quelques liens :
- www.actionlogementbxl.org
- www.grevedesloyers.be
- www.growfunding.be/caissegrevedesloyers
- Mobilisation dans le cadre de l’appel international pour une journée d’action pour le droit au logement
- Le décryptage du RBDH sur l ‘actualité politique bruxelloise sur le logement
- Dispositif de crise, le numéro vert coordonnée par la Fédération des Services Sociaux (FdSS)
(0800 35 243)